mardi 14 juillet 2009

INTERVIEW

Antipas MBUSA NYAMWISI, Ministre de la Décentralisation et Aménagement du Territoire

(Début texte).- Décentralisation, Mbusa Nyamwisi annonce la mise en place des nouvelles provinces avant mai 2010

Il parle rarement aux médias mais lorsqu’il s’agit des enjeux qui touchent à son ministère et d’importance capitale quant à l’avenir administratif et territorial de la R-dCongo, le ministre de la Décentralisation et Aménagement du Territoire, Antipas Mbusa Nyamwisi, délie sa langue en exclusivité à«CONGONEWS». Dans une interview feuve, le ministre de la Décentralisation parle du processus de la nouvelle mode de gestion administrative et territoriale r-dcongolaise. Ses réponses sont claires. Le cadre stratégique de mise en œuvre de décentralisation, CSMOD, validé le 11 juin 2009 à Kinshasa ne viole pas la Constitution. Il définit plutôt les stratégies globales de la mise en œuvre de la politique de proxi avec mité. C’est donc une vision à court, moyen et long terme. Le ministre Mbusa dont le cabinet est très sollicité par certains acteurs sociaux affirme qu’il n’ y a pas des divergences entre son ministère et les gouverneurs des provinces. Avec la mise en place du CS-MOD, le ministère joue à la fois le rôle de policier et d’avocat entre le pouvoir central, les provinces et les entités territoriales décentralisées, ETD. INTERVIEW.

La première conférence des Gouverneurs vient de se tenir à Kisangani. Qu’est-ce que vous avez gagné ?

La tenue de la Conférence des Gouverneurs répond à l’exigence de rendre effective les organes prévus dans la constitution. L’article 200 de celle-ci l’institue et lui confère la mission d’émettre des avis et de formuler des suggestions sur la politique à mener et sur la législation à édicter par la République. Pour comprendre la démarche, il ne faut pas perdre de vue, que la même constitution du 18 février 2006 consacre la décentralisation comme mode d’organisation et d’exercice du pouvoir en RDC. Ainsi donc, le pouvoir de l’état s’exerce désormais à trois niveaux, à savoir : Central, Provincial et Local. De ce point de vue, la conférence des Gouverneurs reste le cadre par excellence où les avis des provinces sont émis, en vue de matérialiser ce changement opéré, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir. Cette Conférence a permis, à Kisangani, de dissiper un certains nombres des malentendus et de baliser les rapports entre le Gouvernement central et les Provinces dans le cadre du processus de la décentralisation. Il y a lieu de dire que ce processus est en marche.

Est-ce qu’il y a une évolution par rapport à la validation du cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation, CSMOD. Dans quel terme ?

Au cours de mon point de presse tenu le 22 avril 2009, à l’intention des organes de presse nationaux et internationaux pour les informer sur le contenu du CSMOD, j’ai eu à préciser que ce cadre stratégique doit être considéré comme un document de cohérence définissant l’état des lieux, les grandes orientations, les principes directeurs et les axes majeurs ainsi que les structures et les mécanismes institutionnels qui serviront de fl conducteur de l’action du gouvernement dans la concrétisation de la décentralisation en RDC. En effet, à la suite d’une série des activités enclenchées par mon Ministère et, 14 jours après l’atelier de validation du CSMOD, précédé d’une mission de plaidoyer en faveur de ce cadre dans toutes les provinces pour permettre à tous les acteurs de s’en approprier, il s’est tenu du 24 au 25 juin la première session de la conférence des gouverneurs de province à Kisangani. Au regard des recommandations formulées, il apparaît clairement la trace de travail abattu en amont par les différentes missions diligentées en provinces par mon Ministère et dont la source d’inspiration se trouve être le CSMOD. Ce travail a permis aux gouverneurs de province de dresser leur état des lieux, lesquels ont été présentés et débattus lors de ses assises. Il s’agit entre autres, du problème des allocations dues aux provinces et aux ETD sur les recettes à caractère national, donc de 40%, le problème de découpage territorial que nous évoqueront peut être après, et tant d’autres. La prise en compte de ces problèmes par la conférence, les pistes de solutions proposées et l’endossement des recommandations par le chef de l’Etat, dans la mesure où il a attiré l’attention des participants d’accorder aux questions soulevées un caractère urgent en veillant à sa bonne application, con- stitue pour nous un réconfort. Il a promis également, pour d’autres points, d’en faire une évaluation lors de la deuxième session qui se tiendra à Mbandaka, dans la province de l’Equateur en Décembre 2009. Il s’agit là, ni plus ni moins, d’une avancée significative et, par conséquent, un bon présage en terme d’évolution.

Vous avez étalé sur 10 ans le calendrier de la politique de décentralisation. Une certaine opinion vous accuse d’avoir violé la constitution. Qu’en dites-vous et comment vous pensez la mettre en conformité avec la constitution ?

Le CSMOD ne viole aucune disposition de la Constitution, mais défnit plutôt les stratégies globales de la mise en œuvre de la décentralisation étalée sur une période de 10 ans. Il s’agit d’une vision à court, moyen et long terme. Force est de constater qu’il y a certaines personnes qui confondent la mise en œuvre de la décentralisation et le découpage tel que prévu à l’article 226 de la Constitution. La décentralisation est un processus et en tant que tel, elle ne doit pas être limité dans le temps.

Est-ce que tous les gouverneurs de province sont d’accord avec votre plan ?

Ecoutez, la mission de plaidoyer diligentée par mon Ministère en province, en faveur du CSMOD, avait pour objet, entre autres, l’appropriation de ce cadre par les Gouverneurs, les Présidents des Assemblées provinciales et autres acteurs provinciaux. Il a été question de recueillir leurs avis et considérations pouvant permettre son enrichissement, de telle sorte qu’au moment de la validation, ce document soit l’émanation d’une vision partagée et non imposée. C’est ici l’occasion de reconnaître que les échanges fructueux que nous avons eus avec ces acteurs de premier plan et la pertinence des observations soulevées, ont apporté une valeur ajoutée au document. A ce stade, je n’ai enregistré aucun désaccord, étant donné que le document a intégré les amendements apportés, tout en jouant mon rôle à la fois de policier et d’avocat. De policier, lorsqu’il s’agit de rappeler à ce acteurs certains principes directeurs autour desquelles il ne faut pas transiger, notamment, l’obligation de la sauvegarde de l’unité nationale, la recherche des solutions consensuelles et, un peu comme pour paraphraser le Président de la République, la démocratie ne doit pas signifier CHAOS, et la décentralisation ne doit pas non plus «ANARCHIE». D’avocat, lorsqu’il s’agit de plaider pour que les compétences, responsabilités et les ressources dévolues aux provinces par la constitution soient effectivement transférées par le pouvoir central.

Où est ce que vous avez hérité ce plan de dix ans ?

Le CSMOD est en soi une œuvre que le ministère de la Décentralisation et Aménagement du Territoire a réalisé sur recommandation du Forum national sur la décentralisation tenu à Kinshasa en octobre 2007, cela dans le but de définir clairement les grands axes tout en planifiant leur mise en œuvre à court, moyen et long terme.

Des contentieux territoriaux sont signalés çà et là avant même le découpage proprement dit. Quelles sont les solutions que vous envisagez prendre ?

A ce stade, il est prématuré de parler des contentieux. A mon avis, il s’agit plutôt des revendications, entendu comme une exigence exprimée par une protestation collective et présentée comme un droit légitime, alors qu’un contentieux en droit, est un ensemble des différends opposant deux ou plusieurs parties et susceptibles d’être soumis au jugement d’un tribunal. Par rapport à votre question, quel est le fondement juridique de ce contentieux et quelles sont les parties en présence pour être soumis au jugement d’un tribunal. Admettons que cela soit le cas, alors que rien n’est encore fait, surtout que la loi fixant les limites des provinces et celles de la ville de Kinshasa n’est pas encore promulguée, ne voyez-vous pas que nous sommes là en face d’un cas de figure, où la charrue est placée devant le bœuf. Par contre, au sujet de ce découpage, il y a lieu de reconnaître qu’un grand retard est observé, bien que le délai de 36 mois prévu dans la constitution court encore. C’est ainsi que, in fine, de la mission de plaidoyer, il s’est dégagé trois tendances à savoir: découpage immédiat pour matérialiser la décentralisation ;nécessité du respect du délai constitutionnel c’est-à-dire procéder à la mise en place des nouvelles provinces avant mai 2010 ; et, au regard des contraintes de différents ordres et du retard observé, il faut éventuellement envisager la révision de l’article 226 de la constitution relatif au délai, en intégrant la notion de la progressivité dans la mise en œuvre de cette réforme. Finalement, à l’issue de la conférence des gouverneurs, le Chef de l’Etat a recommandé l’organisation d’une commission interinstitutionnelle aux fins de réfléchir sur les modalités pratiques et l’évolution du découpage au regard de l’article 226 de la constitution, recommandation qui n’est pas loin de la troisième tendance susdite préconisée par le Ministère. C’est pour dire que la question du découpage est véritablement prise en compte et se réglera dans un contexte légal approprié et en dehors de velléité, aussi bien des politiciens que des groupes de pressions, qui ne tiennent pas nécessairement compte de la vision unitaire du développement du territoire national.

Est-ce que les compatriotes ont-ils droit de revendiquer d’appartenir à une entité de leur choix ?

Il ne nous revient pas de marcher sur la liberté individuelle reconnue aux citoyens congolais dans la constitution. Mais, lorsqu’il s’agit de revendiquer un droit, il faut se rassurer que votre démarche respecte la loi, l’ordre public et les bonnes mœurs. L’appartenance à une entité tire son origine au fl de temps dans la tradition, gardée dans la mémoire collective et démontrée par des liens séculaires qui caractérisent l’entité et font la ferté de ceux qui s’identifient en elle, peu importe le temps et circonstances. Revenons d’abord à votre question, même s’ils ont droit de revendiquer, est-ce qu’ils ont raison ? Je crois q’au-delà de l’aspect raison identitaire, tout autre comportement entre dans la ligne droite de la liberté humaine pour diverses causes, aux termes desquelles la loi doit être respectée.

Hier, c’était Ngandajika au Kasaï. Aujourd’hui, c’est Kolwezi. Quelle réponse vous donnez aux notabilités de ces entités ?

Il y a plus de peur que de mal. Je vous ai dit que ce problème de découpage préoccupe le gouvernement et le Président de la République a donné le ton en recommandant une commission interinstitutionnelle pour traiter de la question.

Je suis convaincu qu’à l’issu de ces travaux, sortiront des résolutions qui tiendront compte des avis des uns et des autres. Je crois qu’il faut verser cette agitation dans le cadre des revendications qui vont être examinées afin de trouver des solutions concertées qui privilégient l’intérêt national.

La politique de la décentralisation reste non connue de l’ensemble de congolais. Que compte faire votre Ministère par rapport à cette question ?

Certes, la décentralisation est parfois mal interprétée par la population et par certains acteurs de cette réforme, du fait des échecs des expériences antérieures, où l’on a plus parlé d’elle que l’on ne s’est soucié d’en maîtriser les contours ou de la mettre en œuvre. Cet écueil s’est révélé ultime, en ce que la décentralisation ne peut atteindre ses objectifs tant que la population qui en est à la fois actrice et bénéficiaire, ne se l’en approprie le contenu en l’adoptant comme une des stratégies du développement local. Pour parer à cette difficulté, mon Ministère a mis sur pied une stratégie de communication sociale sur la décentralisation, dont la campagne avait été lancée par son Excellence Monsieur le Vice-premier Ministre en charge de la Sécurité et Défense, depuis le 11 juin 2009, lors de la cérémonie de clôture de l’atelier de validation du CSMOD. Cette stratégie générale proposée, a la vocation d’organiser une grande campagne d’information et de sensibilisation de toutes les couches de la population congolaise, sur tout le territoire national en vue de faire connaître et de faire comprendre la décentralisation à tous les congolais quels qu’ils soient et où qu’ils soient.

A votre avis, faut-il décentraliser aujourd’hui ou opter pour le renforcement de l’unité nationale ?

A mon sens, je ne vois pas en quoi la décentralisation est incompatible avec le renforcement de l’unité nationale. Au contraire, ces deux notions doivent marcher ensemble. C’est par le souci de notre peuple de mettre en place un nouvel ordre politique et, à l’idée de consolider l’unité nationale et d’assurer le développement local, que l’option a été levée pour la décentralisation. Après une gestion centralisée excessive, la nouvelle constitution consacre la décentralisation comme mode de gestion des affaires publiques de l’Etat congolais et marque ainsi l’avènement de la 3ème République et la refondation de l’Etat congolais. Aujourd’hui, nous sommes déjà de plein pied dans la décentralisation, du fait de la mise en place des Institutions issues des élections et je pense qu’elle n’est pas à l’ordre du jour l’idée d’y revenir. Il y a plutôt la nécessité de renforcer la mise en œuvre de la décentralisation dont la finalité est de faire participer la base aux actions de proximité pour le développement local.

Est-ce que décentraliser équivaut à fédérer ?

Pas du tout. L’analyse sémantique de ces deux termes nous donne deux définitions différentes qui s’appliquent dans des contextes différents. Sans entrer dans des terminologies linguistiques, étant donné que la matière est purement politique, il y a lieu de préciser ce qui suit : Dans un Etat (unitaire) décentralisé, comme c’est le cas en RDC, le pouvoir central n’est pas la seule personne morale de droit public, il y a aussi les provinces et les ETD qui prennent les décisions les plus adaptées aux réalités locales, conformément à la répartition des compétences définit par la constitution. Toutefois, comme on est dans un Etat unitaire, les actes qu’elles posent sont soumis au contrôle de l’Etat ; Un Etat fédéral par contre, c’est un regroupement d’Etats (fédérés) ayant chacun sa propre constitution, ses propres institutions politiques (gouvernement, parlement, cours et tribunaux).

L’Etat fédéral se réserve les domaines de la souveraineté internationale et de la puissance publique. Cependant, les constitutions des Etats fédérés sont subordonnées à la constitution fédérale. De cette manière, il appartient à chaque pays de choisir, en fonction de ses réalités, un de ces modes de gestion de la République. La RDC quant à elle, a jeté son dévolu sur un Etat unitaire fortement décentralisé, creuset et garde fou indispensable pour consolider d’abord la paix chèrement acquise, en raison des confits armés récurrents qu’a connu le pays cette dernière décennie.

ERIC MASIMO(Congo News).fin de texte.-minidecat/mardi 13 juillet 2009.-

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